Jean Vallon aime parfois se confronter à des œuvres de référence. Il a ainsi intégré dans une de ses œuvres les montres molles de Salvador Dali. Il s’est surtout intéressé au Déjeuner sur l’Herbe. Au départ, il s’agissait d’un simple défi avec un ami peintre. A l’arrivée, une toile qui s’éloigne de la proposition faite par Manet au XIXe. A l’époque, ce tableau avait fait scandale principalement en raison de la nudité de la femme assise avec les deux hommes qui, eux, sont parfaitement habillés comme s’ils sortaient d’un bureau parisien.
Jean Vallon garde ce principe au premier plan : trois personnages, deux hommes habillés, une femme nue, dans un sous-bois, installés sur une toile blanche immaculée. Première scène.
Mais par un triangle de lumière au centre du tableau, le peintre emmène le regard davantage vers ce qui se passe à l’arrière-plan : une autre femme nue, en train de se baigner, dans l’indifférence des trois personnages du premier plan, mais qui fait signe au spectateur. Elle nous voit, on ne peut pas ne pas la voir. Deuxième scène.
Et si on s’avance encore davantage, on voit que des centaines de personnages habitent l’espace, l’herbe principalement, mais également le bloc de pierre sur lequel est assis l’un des deux hommes, ou encore le tout petit espace laissé au ciel. Troisième scène.
On pourrait rajouter encore le traitement spécifique des fueillages des arbres, qui tranche avec le traitement de l’herbe et des troncs.
Dans ce tableau, rien n’est donc acquis au premier regard : les trois personnages principaux ne sont vraiment pas seuls, ils ne sont même pas les plus vivants du tableau. La femme n’est d’ailleurs pas détourée de noir, à l’inverse de ses deux compagnons, comme si elle n’était pas vraiment là, comme s’il s’agissait davantage d’une idée, d’un symbole féminin plutôt que d’un personnage réel. Les trois personnages ne forment pas un triangle unitaire.
Le petit monde qui grouille de vie un peu partout ne semblent pas concernés ni par la première ni par la deuxième scène. Au fond, dans la lumière, un personnage est au contraire au centre d’un triangle de lumière. Cette femme qui se baigne, qui se lave, pourrait être en quête d’absolu, mais elle reste relativement isolée dans cette quête et n’atteint en tout cas pas les autres personnages de la toile.