La spontanéité va aussi de pair avec une notion de plaisir, de jeu. Jean Vallon peint parce qu’il aime peindre, il peint parce qu’il apprécie les peintres et s’amuse parfois à les convoquer dans ses toiles. Manet, Dali, Botero, Delacroix… Quand il en a l’occasion, il les salue au bout de son pinceau. Parfois, par pur défi : en 2008, dans une toile intitulée Expositions, il s’amuse du contraste entre les visiteurs d’une exposition, rapidement peints, esquissés même, et la précision avec laquelle il a reproduit le tableau sans doute le plus connu de Salvador Dali, les montres molles (dont le vrai titre est la persistance de la mémoire).
Mais la spontanéité n’empêche pas une dimension spirituelle, en prise avec les forces de la nature comme de l’esprit. Il y a le monde visible, les apparences, et ce que celles-ci peuvent suggérer, laisser entrevoir des forces en présence dans l’univers. L’œuvre est souvent chargée, voire surchar- gée de symboles qui lui donnent d’emblée une dimension qui dépasse le simple figuratif. Le rêve a autant de place que la réalité, le présent que l’histoire, la terre que le cosmos.
Le geste pictural s’accompagne donc de réflexions sur les principes de l’existence. Le geste est libre, rapide, mais emprunt d’une connaissance en amont qui peut ainsi venir charger le pinceau. Ce n’est pas un hasard si Jean Vallon choisit de peindre à l’huile, qui apporte une grande luminosité à ses toiles. L’huile permet aussi de retoucher, de revenir, de rajouter, d’harmoniser. L’œuvre démarre rapidement, mais peut être reprise aussi longtemps que nécessaire. Cette façon de procéder, cette spontanéité associée à un produit qui permet de travailler dans la durée permet au peintre de trouver l’unité et la diversité. Parfois, cela donne des œuvres qui tendent vers le surréalisme, parfois vers des univers beaucoup plus ésotériques chargés de références hermétiques. La plupart du temps, Jean Vallon se positionne lui-même comme un spectateur de ce qu’il peint : celui qui tient le pinceau semble être en suspens au-dessus de la scène qu’il représente, à 45% au-dessus : ni le Créateur tout puissant, ni acteur de la scène. Spectateur, qui regarde, et introduit ainsi lui-même une première distance avec la scène représentée. Ce qu’il offre à voir est déjà une vision, la vision d’un peintre-spectateur.